De l’école Publique à l’école Montessori, témoignage de Prof !


Mère de deux enfants, Chafika Arris a créé sa propre école Montessori. Après l’avoir dirigée pendant 7 ans, elle est aujourd’hui formatrice et offre ses conseils à ceux qui s’intéressent aux pédagogies alternatives et à l’univers de l’enfant.

Comment avez-vous découvert la méthode Montessori ?

Avant de donner naissance à mes enfants, j’ai travaillé dans des écoles publiques traditionnelles. J’ai vite senti que je ne pourrai pas travailler de cette manière-là. L’école publique est un monde uniforme et standardisé. L’enseignant, à mon sens, ne connaît pas assez bien chaque enfant et ses spécificités. On met tous les enfants dans le même moule. Il y a aussi beaucoup de dévalorisation. Devenant mère, j’ai trouvé une école qui mélangeait les méthodes Montessori, Freinet et Steiner-Waldorf. J’y suis intervenue en tant que bénévole et j’ai été séduite par l’enseignement donné.

Quels sont les principes fondateurs de la pédagogie Montessori, qui la distinguent de la pédagogie dite « classique » ?

La pédagogie Montessori repose sur le principe fondamental selon lequel l’enfant a tout le potentiel en lui pour apprendre. Ce n’est pas un vase vide qu’on remplit de connaissances. L’adulte doit servir de guide à l’enfant en lui permettant de libérer ce potentiel. Pour Montessori, chaque enfant est unique. L’éducateur doit respecter son unicité et s’adapter à son rythme d’apprentissage. Il ne s’agit pas de laisser faire à l’enfant tout ce qu’il souhaite. La phrase clé de Montessori est « Aide-moi à faire seul ».

Les enfants sont regroupés dans des classes de 0-3 ans, 3-6 ans, 6-9 ans et 9-11 ans, qui correspondent aux étapes universelles de développement de l’enfant. Le résultat à la fin de chaque cursus est le même pour chaque enfant mais le chemin emprunté pour y parvenir va être différent. Montessori est avant tout une psychopédagogie.

Enfin, il s’agit d’une pédagogie sensorielle. L’apprentissage, via un matériel sensoriel, se fait par l’utilisation de tous les sens, ce qui favorise la mémorisation.

Quels sont les outils sensoriels utilisés ?

Je vais prendre l’exemple des « barres numériques » utilisées pour l’apprentissage des mathématiques aux enfants de 3 ans. Ce sont des barres rouges et bleues. La plus grande fait un mètre, la plus petite 10 cm. Elles changent de couleur tous les 10 cm. La première barre est rouge et elle représente le 1. La deuxième est rouge et bleue (le 2) et ainsi de suite. L’enfant va comprendre, par la vue et le toucher, que 2 est plus grand que 1. On travaille sur les aspects oculomoteurs qui vont nourrir la mémoire musculaire. Si l’éducateur dit 1 à l’enfant, ce dernier comprend le 1 intellectuellement, mais aussi musculairement. À un moment donné, il va voir le 1 ou le 10 sur un papier. On passe alors du concret à l’abstraction. Chez Montessori, tout le matériel est un concept matérialisé.

La méthode Montessori est centrée sur l’auto-apprentissage et la discrétion de l’éducateur. Un enfant peut-il tout apprendre par lui-même ?

Oui, en étant accompagné par l’adulte. L’éducateur doit toujours faire une première présentation à l’enfant avec le matériel Montessori. Ensuite, le matériel est disponible sur une étagère et l’enfant sait qu’il peut le prendre. Il va essayer de reproduire seul ce que lui a enseigné l’éducateur. Montessori est une « pédagogie du mouvement » : l’enfant va vers la connaissance et non l’inverse.

Les notes n’existent pas dans une école Montessori. Comment évaluez-vous les élèves ?

L’évaluation se base sur le travail d’observation. Lorsque j’étais éducatrice, j’avais un carnet personnel sur lequel j’écrivais, chaque jour, ce que l’enfant avait fait. Je savais donc sur quoi je devais le faire travailler. Dans le public, les enfants sont soumis aux jugements des enseignants. Des réflexions du type « vous avez 4 », « vous êtes nul » peuvent engendrer des traumatismes. On favorise la compétition entre élèves alors qu’elle n’est pas nécessaire. L’envie d’apprendre chez l’enfant est déjà là.

Les enfants choisissent librement leurs ateliers. N’y a-t-il pas un risque de lacunes dans des domaines principaux tels que les mathématiques ?

Cela ne peut pas arriver si le travail de l’éducateur est fait avec professionnalisme. Par exemple, j’ai eu un élève de 2 ans qui n’aimait que les mathématiques. Avec l’accord des parents, nous avons fait exclusivement des mathématiques pendant un an et demi. Je l’ai accompagné à progresser et ai instauré une relation de confiance. Un jour, je lui ai dit qu’il était temps de rentrer dans le monde des lettres. Il l’a accepté car il avait confiance en moi. J’ai pu structurer le cadre de ses apprentissages.

Aucun enfant ne fait la même chose. N’y a-t-il pas un risque d’isolement de ce dernier ?

Non, car nous sommes sensibles aux phases de développement naturelles de l’enfant. De 3 à 6 ans, l’enfant n’aime pas forcément coopérer avec l’autre. Chacun est donc concentré sur ses propres activités. À partir de 6 ans, l’enfant devient un nouveau-né social en se tournant vers le groupe pour coopérer. Nous l’incitons alors à travailler en groupe en lui proposant de nouvelles activités, comme par exemple des dictées en groupe.

Aucune obligation pour l’élève, aucune note… Ne craignez-vous pas que l’enfant soit déphasé par rapport à la réalité ?

J’ai mis mes deux filles dans des écoles alternatives. Puis, elles sont rentrées dans des collèges et lycées traditionnels. L’ainée n’a eu aucun problème pour s’adapter. Cela a été différent pour mon autre fille. Elle a été étonnée par la violence des mots. « Pourquoi le professeur dit “tu es nulle” ? » me demandait-elle.

Tout dépend de la personnalité de chaque enfant. Ce dont je peux témoigner, c’est qu’il est plus difficile pour un enfant de passer de l’école traditionnelle à Montessori que l’inverse.

L’éducateur semble avoir plus de liberté que l’enseignant d’une école publique. Comment rassurer le parent sur la qualité de l’enseignement donné ?

Dans l’école publique, le parent est rassuré car l’enfant semble évoluer dans un environnement sécurisé et « normalisé ». Dans les écoles alternatives, tout repose sur la direction. Mais je souhaite souligner trois points. Tout d’abord, les éducateurs qui y travaillent sont des personnes engagées qui aiment ce qu’elles font. Ensuite, la direction peut se séparer d’un éducateur. Dans l’enseignement public, on remet rarement en cause l’enseignant mais on parle souvent de mauvais élève. Enfin, les éducateurs Montessori sont inspectés tous les ans par des psychologues, conseillers pédagogiques et inspecteurs de l’État.

Une école Montessori coûte environ entre 250 euros et 800 euros par mois : quelles actions doivent être mises en place pour entrer dans un système d’éducation publique ?

Depuis des années, les démarches faites auprès du Ministère de l’Éducation nationale pour que l’école Montessori soit reconnue par l’État ont toutes été rejetées. Très peu d’écoles Montessori ont le statut d’école privée sous contrat d’État. Aujourd’hui, la formation semble être le meilleur moyen pour diffuser la pédagogie Montessori auprès du public.

Quels livres conseillerez-vous pour en savoir plus sur les pédagogies alternatives ?

Je conseillerais le livre référence de Maria Montessori, L’esprit absorbant de l’enfant, ainsi que Pédagogie Scientifique et L’enfant. Puis, C’est pour ton bien et Le drame de l’enfant doué d’Alice Miller.

Source : socialter.fr